Connais toi toi-même, généalogie etc.

Avec comme sujet de Bac en Philo:

« la question « qui suis-je? » admet-elle une réponse exacte ? »

il fallait bien se douter qu’un jour ou l’autre, cela viendrait me tarauder.

Savoir d’où l’on vient c’est savoir où l’on va, n’est-ce pas ?

La fille de ma mère

J’ai grandi au sein d’un univers féminin avec ma mère et ma grand-mère pour piliers. Mon père de son vivant était présent en pointillés, absent en filigrane. Je n’ai pas connu le modèle familial « classique »: un papa, une maman vivant sous le même toit, rentrant du travail mais plutôt une enfance un peu bohème, mon père qui vivait tantôt à l’hôtel, quelquefois chez nous, d’autre fois, ailleurs, loin des normes et des codes. Un couple s’aimant à s’en déchirer, des parents m’aimant, essentiellement. Je me rappelle de cette fois où après être venus me chercher à l’école, ma mère un peu taquine a lancé à mon père: « on retourne quand en Corse ? » et lui qui de sa voix forte et chaude lui a répondu « tout de suite ». Quelques heures après, nous étions chez mon oncle et ma tante à Ajaccio. C’était cela mon enfance, de l’imprévu, pas de plan tout tracé mais à l’âge où l’on comprend beaucoup mais pas tout, on prend parfois parti malgré soi. J’ai toujours été « du côté de ma mère » quand l’orage grondait, quand une séparation semblait s’annoncer. Issue d’une lignée de femmes fortes, avec comme modèle ma grand-mère veuve à 25 ans, sans métier, sans formation, avec sa fille de 8 ans à s’occuper, j’ai été bercée, choyée au coeur d’un cocon féminin, ce qui a bien sûr été renforcé quand mon père est décédé.

Je n’ai compris que récemment pourquoi depuis si longtemps je me sentais davantage fille de ma mère que fille de mon père. J’ai grandi avec elle, je l’ai vu se sacrifier pour moi, je l’ai vu sombrer lorsqu’elle a perdu l’amour de sa vie et c’est je crois, à ce moment que la bascule a eu lieu.

Les semaines qui ont suivi le décès de mon père, je me souviens que je rentrais tremblante du collège en craignant que ma mère ait commis le pire, je partais même en cours en cachant le couteau à pain (oui, bon, après réflexion, ce n’est pas forcément ce qu’elle aurait utilisé mais j’étais jeune 😅),j’ai veillé sur elle comme elle pensait veiller sur moi et pour éviter une souffrance réciproque, peu à peu, je me suis détachée de mon père, de mes origines, de la Corse (moi qui était sûre d’épouser un militaire corse, je suis avec un assureur breton, comme quoi, la vie…) C’était plus simple de ne pas en parler, de ne pas y penser, de faire comme s’il n’y avait rien à savoir, rien à transmettre. On fait une croix sur les cassettes audio où lui et moi on jouait à « l’Ecole des fans », on prend soin de ne jamais au grand jamais regarder les photos, on oublie les chansons qu’on a entendu tous les étés sur les routes sinueuses de Corse. On a eu un père, il est mort, on oublie. Simple, basique comme dirait Orelsan.

C’est incroyable comme le cerveau arrive à s’accommoder de tout, ce n’est pas si compliqué en fin de compte, je me sentais même assez fière je crois d’avoir si bien surmonté cette perte, j’étais grande après tout. Ma mère et ma grand-mère étaient là, c’était suffisant !

La fille de mon père

Qui es-tu Marie ? D’où viens-tu ? Que connais-tu au fond de ton père, de cette branche de ta famille ? Si tu es si grande et forte, pourquoi n’es-tu toujours pas capable d’écouter 15 secondes d’une chanson d’Antoine Ciosi sans te mettre à pleurer ? Touchée, coulée.

Mon père est décédé il y a 25 ans maintenant, 25 ans pendant lesquels j’ai pris soin de ne pas y penser, de ne pas raviver les souvenirs, de ne pas rouvrir la plaie. Sauf que… Je suis maman et je veux que mes filles sachent d’où elles viennent, la transmission me paraît désormais indispensable. A leur âge, je revendiquais fièrement mes origines insulaires, origines dont elles n’ont qu’une très vague idée. Le cap des 25 ans depuis la disparition de mon père m’a paru si vertigineux qu’il m’a fallu réagir, aller chercher en moi ce qu’il me manquait et la bonne nouvelle, c’est que je l’ai trouvé. J’ai même officialisé une chose qui me tenait à cœur depuis des années: l’adjonction du nom de famille de mon père à mon nom patronymique (celui de ma mère du coup) Peu à peu, le puzzle se met en place, je me suis lancée à corps perdu dans la reconstitution de mon arbre généalogique, je passe des heures à déchiffrer des actes de mariages, de naissances, de décès, des tables décennales, des matricules militaires, je vois peu à peu l’arbre de vie familial s’enraciner et déployer ses branches. Je n’aurais jamais imaginé trouver autant de ressources en ligne et j’avoue trouver absolument fascinant le fait de pouvoir voyager virtuellement dans le temps, plutôt émouvant de tenir entre les mains l’acte de mariage de mes grands-parents ou découvrir au hasard d’une découverte la photo de la maison de mes arrières-arrières grands-parents. Moi qui n’ai pas vraiment de hobbies, j’en ai trouvé un passionnant avec la généalogie telle une enquêtrice des temps modernes… Je ne fais jamais les choses à moitié (l’un de mes défauts je crois !), j’ai donc bien entendu enchaîné avec l’apprentissage du corse, l’écoute quotidienne de la radio version bilingue, les préparations culinaires typiques comme le fiadone, les canistrelli ou le sauté de veau aux olives. Bref, je me corsicanise ! Pour le moment, cela semble encore être bien toléré à la maison, je vais tenter de me modérer avant que l’on ne m’accuse d’indépendantisme 😂 Prochaine étape et non des moindres: aller en Corse tous les 4, en croisant les doigts pour qu’une sortie de crise sanitaire se fasse d’ici quelques mois… Cela ne me fera pas rattraper les 25 dernières années mais cela sera comme poser la première pierre d’un futur à construire.

Fille de mes parents

Voilà celle que je suis, mes racines et mes ailes 💕