6h23, je parcours rapidement quelques articles en avalant mon café.
« Grève sanitaire des enseignants:ils sont à bout »
Non, Marie. Ne fais pas ça. Ne va pas lire les commentaires.
En un clic, déferlement d’avis plus désolants les uns que les autres.
« grève une veille de férié, ils ont bien choisi leur jour encore ! »
« ils pouvaient pas faire grève pendant les vacances ou attendre les prochaines ? »
« vu leur absence pendant le confinement déjà !!! »
Et sentir la colère monter encore une fois.
« oui mais moi j’ai connu un prof qui…. » « ah et c’est comme la prof de la cousine du mari de ma sœur… »
Cette généralisation systématique sous prétexte que vous avez croisé un prof qui recyclait ses cours ou un autre qui était souvent absent vous rendrait légitime à jeter l’opprobre sur toute la profession ?
Il n’y a pas si longtemps, vous affichiez un #jesuisprof, c’était vite oublié que quelques mois plus tôt vous nous traitez de preneur d’otages. Est-ce rassurant pour vous de continuellement critiquer et dénigrer les profs ? Réglez-vous vos comptes avec un passé scolaire douloureux ? (moi aussi je peux généraliser n’est ce pas…)
De cette vision fantasmée du métier d’enseignant naît un mépris pour notre profession. Pourquoi serions-nous pris au sérieux quand on vous alerte sur les effets délétères d’une réforme qui nuira à nos ados ? Pourquoi serions-nous écoutés quand on attire votre attention sur le fait que respecter le protocole sanitaire et ses consignes d’aération est illusoire quand dans une salle de classe 3 fenêtres sur 4 sont condamnées?
Pourquoi notre voix compterait-elle? Nous ne sommes que profs après tout. Payés à rien faire, tout le temps en vacances.
J’ai appris à ne plus répondre quand on m’attaque sur ce point, me contentant d’un vague « ah ah oui ». J’ai appris à ne plus répliquer quand on me répète pour la 10e fois que j’ai été tranquille pendant le confinement avec mes 6 mois de vacances. Tellement tranquille que j’étais joignable de 8h à minuit tous les jours, tellement tranquille que j’enviais les amis en télétravail qui eux pouvaient alterner grasse matinée, binge watching de séries et lecture (sans généraliser, bien sûr 😉) Mais bon, je suis prof. Étiquette de fonctionnaire collée au front.
Je crois que je n’ai même plus envie de vous expliquer à quel point tout ceci est faux, qu’une journée comme hier c’est 6h de cours, récupérer mes enfants à 17h30, me connecter à de 17h40 à 19h30 pour une réunion afin de redéfinir le protocole sanitaire, dîner vite fait et travailler encore jusqu’à 22h, comme tous les soirs. Ou qu’aujourd’hui, convoquée à une formation en distanciel de 9 à 11, j’aurais pu rester à domicile « comme une bonne fainéante de prof » et aller faire cours uniquement cet après midi, mais non les cours à 8h et à 11h seront assurés sur place, au lycée. Parfois je rêve d’un métier qui s’arrêterait sitôt le seuil franchi, un métier où week-end et vacances seraient synonymes de repos. Mais bon, je suis prof.
Nous ne sommes ni les plus à plaindre ni les privilégiés qu’on imagine, nous sommes une profession mal aimée par la majorité,non pas qu’il nous importe d’être aimés, être respectés ce serait déjà un bon début.
Respectés par notre Ministre qui nous consulterait et nous informerait avant les medias.
Respectés par nos élèves et peut-être même par leurs parents. Respectés parce que non, on ne travaille pas « 18h par semaine », respectés parce que vu nos conditions de travail, il faut une sacrée vocation pour continuer sans flancher.
Je retiendrai toutefois que quand on demande à mes filles de 7 ans et 4 ans ce qu’elles veulent faire plus tard, elles répondent qu’elles ne savent pas mais « pas prof en tout cas, il faut tout le temps travailler ! »
Ma réponse est toute faite depuis des années : Nous recrutons !!!
Passe ton Bac +5
Passe ton concours Cadre A
N’oublie pas d’envoyer ton RIB pour commencer avec 1300 euros !
Et surtout Bienvenue dans l’équipe ❤
Autant te dire que la semaine dernière lorsque mes enfants m'ont dit que le Monsieur-Madame qui me ressemblait le plus était Mme Boulot, j'ai eu envie de pleurer…
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