Mum's Life

Tempus fugit

On m’avait prévenue. Toutes mes amies, déjà bien aguerries m’avaient asséné cette phrase, un peu comme un code secret qu’on se transmet de générations de parents en générations de parents:

Tu vas voir, profite, ça passe trop VITE !

Est-ce que je les ai crues quand je tombais de fatigue ? Quand les nuits trop courtes me paraissaient trop longues, que j’étais à deux doigts d’appeler les urgences quand le thermomètre affichait 38° ? Quand les hivers s’étiraient en longueur en slalomant entre chasse aux virus et poussées dentaires ? Non, bien entendu. Parce que prise dans ce grand bouleversement qu’est la maternité, ma notion au temps et à la durée était un peu une théorie de Bergson,relative. J’étais prise dans un flux continu, sans cesse en mouvement amenant une dichotomie entre durée réelle et durée ressentie.

Et puis, C. a soufflé sa première bougie. DÉJÀ ? Comment c’était possible ? Il y a quelques mois à peine, elle tétait toutes les deux heures s’endormant repue avec une goutte de lait à la commissure des lèvres. Il y a quelques mois à peine, j’avais déjà l’impression de la connaître depuis toujours. Ok. Donc la première bougie est soufflée, c’est vite passé, c’est vrai. J’avais été prévenue mais le rythme va forcément se calmer, non ?

Septembre 2015: cartable au dos. C’est sa première rentrée. DÉJÀ ? Comment c’est possible ? La prédiction disait donc vrai ?! Et moi dans tout ça ? J’ai découvert la veille de sa rentrée qu’un autre petit être était en construction… C’est reparti pour une grande boucle temporelle:9 mois à compter en semaines, 41 semaines à compter en jours pour enfin accueillir cette petite soeur tant attendue.

Cette fois, on ne se fera pas avoir. Cette fois, on va en profiter: on sait que ça passe trop vite, que les premières tenues en taille naissance ne dureront qu’un très court temps, que les premières semaines passeront en un clin d’oeil mais surtout que tous les souvenirs que l’on se crée, dureront eux pour toujours. Si l’éphémère a bien une valeur, il se compte en moments précieux, serrées l’une contre l’autre dans l’obscurité, sa petite main, agrippant mon doigt, ses grands yeux me fixant comme si j’étais tout son monde.

Accélérer le temps…

Et ne plus se soucier des termes qui ont rythmé les grossesses: courbes de températures, pic d’ovulation, clarté nucale, échographies, risque d’accouchement prématuré, césarienne, boîte rose, déclenchement, mais penser plutôt avec nostalgie aux douces sensations, aux +++ sur un bâtonnet plastique, aux coups de pieds guettés. Se dire qu’il n’y aura plus de prochaine première fois, accepter que le bébé qui va bientôt prendre 3 ans sera bien la petite dernière que mon corps aura porté.

Et ne plus craindre les virus des premiers mois, échapper enfin au mouche-bébé, au tirage de lait dans des placards à balai ou au mieux dans l’infirmerie du lycée, avoir un peu de temps pour soi en tant qu’être humain et non uniquement en tant qu’intendante super-héroïne à cape répondant au doux nom de Maman. Ranger non sans un pincement au coeur ses vêtements de grossesse, sans être prête à les transmettre, ranger non sans le même pincement leurs petites tenues qui m’évoquent tant de souvenirs. Se remémorer que c’était doux et surtout garder ancré en soi et à jamais les bouleversements apportés par ces six dernières années.

Ralentir le temps…

Mettre sur pause, figer les instants où tout semble si parfait, où l’harmonie familiale a l’air tout droit sortie d’une pub des années 80 pour Ricoré. S’imprégner de leurs rires, de leurs yeux qui brillent devant les premières neiges, des chamailleries et des cris qui finissent en câlin de réconciliation. Arrêter la course folle, se détacher des écrans et les regarder. Pour de vrai. Les observer comme de petits êtres devenant de plus en plus autonomes pour un jour l’être totalement. J’ai tout lâché hier soir, je ne les ai pas quittées des yeux pendant 20 minutes. J’ai tout absorbé comme pour fixer chaque milliseconde dans mon esprit, et ça m’a fait du bien de me raccrocher à cette réalité, à leur réalité. Parce que le temps perdu ne se rattrape pas à ce qu’on raconte et que bien qu’il passe trop lentement à notre goût parfois et bien trop vite à d’autre, il est nécessaire d’accorder ce temps de pause, ce temps off pour les voir telles qu’elles sont et se souvenir que les premiers mois ont peut-être durs, éprouvants, terrifiants mais qu’ils nous ont offert des moments uniques et magiques. Et que surtout, on en a tellement d’autres à vivre.

Un collègue tout jeune papa me disait l’autre jour « ah la la, on n’en peut plus, vivement qu’il grandisse ! » Devinez ce que j’ai répondu ? « Profitez, vous verrez, ça passe trop vite ! »

La boucle est bouclée.

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