Humeurs, Mum's Life

L’insouciance

Je les entends rire dans le couloir, glousser plutôt. D’ailleurs, y a t-il un âge où l’on glousse plus que l’on rit ? J’écoute leurs discussions sur les oraux qu’ils s’apprêtent à passer, sur la prochaine soirée prévue, leurs blagues de grands ados pas tout à fait matures.

D’un coup, je les envie. J’envie l’insouciance, ce mot qui disparaît peu à peu à mesure qu’on franchit les étapes de l’âge adulte. Le plaisir de ne pas savoir, la légèreté de l’être, l’âge de tous les possibles.

J’ai perdu l’amie Insouciance le jour où j’ai rencontré sa cousine Angoisse.

L’angoisse: celle qui prend d’un coup, qui engloutit tout. Celle qui occulte la capacité de réflexion, qui brouille la raison, celle qui tourne en rond te faisant manquer trois battements par minute, celle qui reste tapie dans un coin de l’esprit jusqu’à la prochaine fois, jusqu’à la prochaine boule dans la gorge, empêchant de respirer, faisant se dérouler les pires scenarii possibles et appeler à 21h le poste de secours de Center Parcs pour un texto non reçu tout en s’imaginant qu’un drame est arrivé. Cette même angoisse qui m’a fait vivre des grossesses biaisées, faussées où la gravité se substitue à la joie, où les semaines passées sont autant de victoires.

Grossesse insouciante? Connais pas ! J’aurais aimé sûrement, faire partie de celles qui achètent la poussette à 3 mois, qui vont à des concerts à 8 mois, qui sont certaines que rien n’arrivera. Niveau drame, j’ai une longueur d’avance: marathonienne des Menaces d’Accouchement Prématuré (MAP pour les intimes), sprinteuse des 34 semaines d’aménorrhée pour repousser la prématurité, on ne sait jamais quelles cartes on a en mains en débutant une grossesse. En revanche, on devine que les kilos qu’on arrivera (peut-être) à perdre ne nous délesteront pas du poids de l’angoisse, ces bébés qu’on met au monde deviennent rapidement le nôtre, de monde.

Rappelez-vous l’affolement la première fois que le thermomètre a affiché 38°C, la première fois où vous l’avez laissé en garde, la première chute, la première pensée qu’un jour il pourrait « arriver quelque chose ». Je suis cette mère qui s’inquiète un peu trop, cette mère qui peine à leur lâcher la main tout en sachant qu’il le faudra bien, cette mère qui d’une angoisse extrapole et se réfugie sous la couette. Cette mère qui sent monter la peur, la crainte, l’idée fugace de les perdre et les larmes inondant ses joues. Je suis cette mère qui prévoit paracétamol-gouttes pour le nez- cortisone (une laryngite nocturne, ça tombe toujours au mauvais moment !) juste pour une nuit chez les grands-parents. L’angoisse se balade souvent avec ses acolytes « on ne sait jamais » et « au cas où ». Ces petites angoisses de rien du tout qui émaillent le quotidien, ces angoisses paraissant tellement anecdotiques aux yeux de certains.

C’est vrai, je les entends rire dans le couloir et j’aimerais revivre l’espace d’un instant ces moments doux et légers, les matins brumeux de « révisions » à la B.U, les soirées improvisées, un samedi soir à l’Exo 7, le temps où l’on n’avait que soi à penser, l’époque sans crainte ni peur où seuls nos battements de coeur rythmaient notre ligne de vie. Mais l’espace d’un instant seulement car même si l’insouciance a fui, que le planning quotidien n’a plus rien d’inopiné, que les long-courriers sont de si lointains souvenirs, aucun voyage n’est plus enrichissant que celui de leur avoir donné la vie, aucune promotion ne sera aussi gratifiante que de les avoir élevées.

Et puis entre nous… quand je les entends réviser devant la salle, les oraux du Bac ne me paraissent pas si enviables (et en plus, pour la soirée de ce week-end, je n’ai même pas à demander la permission !)

11 réflexions au sujet de “L’insouciance”

  1. J’ai les angoisses profondes de toutes les mères – forcément, on n’y coupe pas, la responsabilité de vies hors de la sienne est tellement écrasante! – mais j’arrive à les tenir à distance, à les occulter un peu. Ca ne me bouffe pas la vie, car je sais que quelque soit ma vigileance, si quelque chose de grave doit arriver, je ne pourrais que faire de mon mieux, en espérant que ça suffise. Alors, je fais de mon mieux, comme paravent du pire. En espérant que ça suffise…

    Aimé par 1 personne

  2. Grande angoissée de nature, je me surprends depuis que je suis maman: j’arrive à tenir mes peurs à distance, j’arrive à relativiser. C’est peut-être parce que mes parents s’angoissent à ma place 😉 Et ne t’inquiète pas, moi aussi je prévois les médicaments à chaque dodo à l’extérieur!

    Aimé par 1 personne

  3. J’ai perdu très rapidement mon insouciance, je n’étais même pas encore en 6ème. Le décès de ma maman m’a fait revoir toute la vision que j’avais du monde et de la vie. Et puis avec le temps, j’ai appris à prendre du recul. Alors oui, je suis souvent stressée, plus rarement angoissée mais je sais maintenant prendre la distance nécessaire. Même si je dois dire que le fait de devenir maman n’arrange pas ça à part le fait de vouloir le cacher à ses enfants 😉

    Aimé par 1 personne

  4. Je suis exactement la même maman que toi, avec une phobie en plus, l’hospitalisation récente de ma choupette m’a permis de prendre un peu de recul…j’espère continuer sur cette voie. Bon courage à toi 😉

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s